L'anorexie, un danger pour les jeunes filles et les adolescentes ©bykst

Les Troubles du Comportement Alimentaire toucheraient 5 à 10% de la population française. En Rhône-Alpes, trois centres référents ont ouvert leurs portes pour accueillir les populations atteintes de TCA. Le Dr Berenice Segretin, endocrino-nutritionniste au CHU de Lyon, explique les caractéristiques et les dangers des TCA, et notamment de l’anorexie, le trouble le plus fréquent et le plus grave.

Quelles pathologies recouvre l’appellation « TCA » (troubles du comportement alimentaire) ?

On distingue trois grands TCA.
L’anorexie mentale (40% des TCA vus sur le Centre Référent). Elle se définit par trois points principaux :

  • Une envie de maigrir
  • Des apports insuffisants par rapport aux besoins. Ces besoins peuvent être augmentés par une hyperactivité physique (soit l’anorexique décline ce qu’il mange, soit il augmente son activité physique, ou bien les deux en même temps)
  • Une dysmorphophobie, c’est-à-dire que les anorexiques qui sont très maigres se voient gros, notamment au niveau du ventre et des cuisses. Chez certains patients, on va avoir un tableau digestif prédominant avec des douleurs ou des ballonnements après les repas qui leur coupent totalement l’appétit et les font entrer dans un cercle vicieux. Aussi, les anorexiques ne font pas que fantasmer : quand les patients reprennent du poids, ils ont effectivement tendance à prendre plus au niveau du ventre les premiers temps. Après plusieurs années, la silhouette se reforme normalement.

La boulimie nerveuse (30% des TCA vus sur le Centre Référent).  Elle se définit par :

  • Une peur de grossir plus qu’une envie de maigrir. Les boulimiques ont envie de rester au même poids mais ils souffrent d’accès hyperphagiques. Il s’agit de crises où le patient perd le contrôle et va ingérer une quantité très importante de nourriture en peu de temps.
  • S’en suit un sentiment de culpabilité énorme avec des conduites compensatoires pour limiter la prise de poids (vomissements, prises de laxatifs ou diurétiques, activité physique et restriction alimentaire, ce qui faire tomber le malade dans un cercle vicieux).

L’hyperphagie boulimique. Elle ressemble à la boulimie nerveuse sauf qu’il n’y a pas de conduite compensatoire, ce qui fait que la prise de poids n’est pas contrôlée.
Après, il existe d’autres TCA que nous prenons en charge : les syndromes de restriction alimentaire (éviction de certains aliments), ou la noctophagie (patients qui mangent la nuit). Tous ces profils peuvent se décliner en anorexie ou boulimie atypique.

Est-ce qu’une personne peut être anorexique sans être très maigre ? 

Oui, la personne anorexique n’est pas forcément maigre, ce n’est pas une question de poids. Ce qui importe, c’est la balance énergétique (apports vs dépenses) qui chez les anorexiques est négative. L’IMC va servir à estimer la sévérité de la maladie.
La conséquence de cette balance négative est l’hypométabolisme, c’est-à-dire que le corps se met en hibernation : la température corporelle et la fréquence cardiaque baissent pour dépenser moins d’énergie. On peut aussi avoir une disparition des règles pour les femmes, une perte de libido ou d’érection matinale pour les hommes. De ce fait, les patients anorexiques ont une alimentation restrictive mais comme elles sont en hypométabolisme, leur poids reste stable.

L’anorexie, une maladie à prendre très au sérieux

Quels sont les principaux dangers des TCA, et notamment de l’anorexie ?

Ils sont malheureusement nombreux.
-Ils sont d’ordre digestif :

  • Les vomissements peuvent entraîner des hypokaliémies sévères avec risque de trouble du rythme cardiaque voire d’arrêt cardiaque, oesophagites, des cancers de l’œsophage
  • La constipation peut mener jusqu’à l’occlusion intestinale (le transit s’arrête).
  • Les carences peuvent entraîner : des neuropathies, des cardiopathies, une insuffisance rénal, une désadaptation à l’effort (les anorexiques ou boulimiques font souvent beaucoup de sport mais de manière totalement inefficace), une ostéoporose très jeune, la perte des cheveux, des dents.

– D’un point de vue sexuel, on peut observer :

  • Une perte de règles
  • Une infertilité
  • Une baisse de libido

– L’anorexie peut aussi s’accompagner de comorbidité :

  • Diabète de type
  • Maladie coeliaque
  • Maladie de crohn

– Le décès peut survenir notamment par :

  • Le suicide
  • Des complications infectieuses
  • Un arrêt cardiaque
  • Une insuffisance rénale aigüe

Pourquoi l’anorexie fait-elle partie des maladies psychiatriques ?

Il est difficile de répondre à cette question, ce classement s’explique sûrement de manière historique. Les TCA ressemblent beaucoup au tableau des addictions (addiction au sucre pour la boulimie, addiction à la sensation de faim pour l’anorexie). Aujourd’hui, on sait que l’anorexie dépasse largement le cadre de la psychiatrie. Certains travaux étudient aujourd’hui la probabilité de la présence d’anticorps qui supprimeraient la sensation de faim. L’anorexie demande une approche pluri-disciplinaire. C’est d’ailleurs en ce sens qu’abonde notre travail avec ce centre référent des TCA, et c’est la raison pour laquelle je travaille en binôme avec le Dr Iceta (psychiatre). En consultation, on voit bien que plus le poids baisse, plus les symptômes de la maladie s’aggravent. C’est une pathologie globale.

Anorexie, des origines multi-factorelles

Connaît-on l’origine de l’anorexie ?

L’anorexie est d’origine multi-factorielle, avec des vulnérabilités multiples.

  • Le terrain génétique
  • La question de la grossesse et du peripartum (comment le bébé a été nourri après la naissance, était-il un petit mangeur, l’a-t-on gavé ? etc)
  • Il y a la rencontre avec la maigreur. Cela va commencer par un régime pour faire comme la copine, et les premières sensations de faim qui engendrent une certaine euphorie : j’arrive à perdre du poids et on me complimente, je fais du sport et je me sens bien, j’ai moins d’angoisses. Au début, la perte de poids est acceptable, puis l’anorexique va essayer d’aller plus loin.

Enfin, il faut noter que l’anorexie arrive souvent après la puberté. Elle peut être déclenchée par la remarque d’un proche sur les nouvelles formes qui va être vécue comme une agression. Inconsciemment, la patiente peut vouloir faire disparaître ses règles et ses formes. La maladie peut arriver vers 13, 14 ans, puis il y a un pic à 17 ans.

Est-il vrai que les anorexiques ont souvent un profil de filles brillantes et dans l’hypercontrôle ?

Oui, ce sont souvent des filles (même s’il y a aussi de garçons, environ 10% des patients), qui veulent faire plaisir, être premières en tout. Ce sont souvent des patientes avec de forts potentiels. Les anorexiques ont souvent un terrain anxieux majeur avec des crises de panique.
On observe aussi des patientes qui vont avoir du mal à s’adapter à un nouvel environnement : déménagement, deuil, (même le deuil du chien), difficulté à se transformer, à se projeter dans le temps.

On parle souvent du rôle des médias dans le développement de l’anorexie. Dernièrement, ces derniers essaient plutôt d’inverser la tendance et de plus en plus de témoignages de femmes anorexiques sont diffusés : pensez-vous que cela ait un impact ?

Le développement de la maladie dépend de mille choses, les médias peuvent jouer un rôle de prévention notamment en essayant d’alarmer les proches  . C’est important car poser le diagnostic plus tôt permet d’améliorer le pronostic à terme. Aujourd’hui concernant la place des médias, il reste encore énormément de travail, la maigreur reste le fantasme de la société actuelle, avec un modèle de femme androgyne. Les mannequins d’aujourd’hui sont toujours sans formes certaines ont  un IMC à 16 voire 14. L’Assemblée nationale a voté une loi pour limiter la maigreur dans le mannequinat, mais malheureusement, le décret n’est toujours pas passé.

Retrouvez la liste de tous les endocrino-nutritionnistes et spécialistes du traitement de l’anorexie sur www.conseil-national.medecin.fr

A SAVOIR

L’IMC (Indice de Masse Corporelle) est un bon moyen de vérifier si votre enfant souffre de dénutrition ou d’anorexie. Comment calculer son IMC: mesurez votre enfant puis prenez son poids. L’IMC = poids / taille au carré. Exemple: si votre fille mesure 1,65 et pèse 55 kilos, son IMC sera de : 55 /1,65 x 1,65 = 20,22. Chez une adolescence de 15 ans, on estime qu’un IMC inférieur à 16 est synonyme d’insuffisance pondérale.

 

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