Suicide au travail, un sujet tabou
Le suicide lié au travail reste encore un sujet tabou. ©Freepik / Wavebreakmedia-micro

9 000 personnes mettent fin à leurs jours chaque année en France. Un taux de suicide parmi les plus élevés en Europe. S’il est difficile d’évaluer la part de responsabilité du travail, une chose est sûre : la situation professionnelle y joue un rôle important. Quelle place tient le travail dans le mécanisme silencieux du suicide ? Réponse avec François Rabourdin, membre de l’Association Mieux-être & Travail.

Si le suicide est d’origine multifactorielle, le travail pourrait avoir un rôle plus important que l’on ne le croit. En effet, dans son 4ème rapport sur le suicide et ses liens avec le travail, l’Observatoire National du Suicide pose ses dernières conclusions. Les chômeurs et actifs en situation de Risques PsychoSociaux déclarent davantage de pensées suicidaires.

Toutefois, effectuer un lien entre travail et suicide relève d’un exercice complexe et aucune donnée chiffrée ne peut trancher. Les suicides sont des phénomènes complexes et plusieurs facteurs sont en cause : individuel, travail, familial… Dès lors, difficile de poser un « diagnostic » précis. Explications avec François Rabourdin, membre de l’association Mieux-être & Travail à Lyon.

Suicide lié au travail, un sujet flou et tabou

Difficile d’établir des statistiques sur les suicides liés au travail. Les personnes ayant été jusqu’au suicide laissent rarement des preuves de la cause de celui-ci. Sans lettre écrite certifiant la responsabilité du travail, on ne peut pas relier le travail au suicide. D’autant plus quand le suicide n’est pas arrivé sur le lieu de travail.

Pour éviter de dénoncer une quelconque responsabilité, les employeurs plaident l’absence de preuve concrète et des statistiques suicidaires pas plus élevées que la moyenne nationale. Ce phénomène de dénégation et de minimisation des suicides rend le sujet davantage tabou.

Pensées suicidaires : des catégories de travailleurs plus touchées

Selon le baromètre de Santé Publique France 2017, les pensées suicidaires chez les actifs étaient attribuées pour un tiers à des raisons professionnelles. Mais c’est en catégorisant par secteur d’activité que la place du travail dans le suicide est la plus perceptible. En effet, des secteurs d’activité professionnelle semblent plus touchés que d’autres. Ainsi, l’hébergement, la restauration, les arts et spectacles ou encore l’enseignement sont en tête de liste.

Si toute population, quelque soit son travail, est touchée, certaines situations professionnelles sont davantage susceptibles de produire des facteurs de risque. En cause, le perpétuel mouvement contemporain qui pousse les gens à toujours plus se surpasser. Le mythe de la performance, de la productivité, l’importance accordée à son travail en sont des exemples.

Enfin, les conditions et le contexte de travail sont des facteurs déterminants bien souvent. L’exemple du harcèlement en est l’un des plus probants. « Il faut chercher du côté de ce qui a amené le salarié à perdre pieds. Pourquoi il n’a pu demander de l’aide, d’ailleurs souvent il en a demandé, mais on ne l’a pas entendu » explique François Rabourdin.

Le mécanisme silencieux du suicide

Le suicide est un mécanisme silencieux mais dynamique. Il n’arrive pas d’un coup. Différentes étapes structurent son arrivée. « Le risque suicidaire, en lien avec le travail, est un état progressif d’épuisement physique et psychique, avec un sentiment de grande impuissance ainsi qu’un accablement. Souvent  les personnes s’isolent du collectif et culpabilisent de ne pas (ou plus) « y arriver ». Il s’enferment peu à peu dans leur souffrance et leur honte » détaille François Rabourdin. Il s’agit donc d’une « dégradation de leur état de santé physique et psychique, avec un état d’épuisement progressif. Ils travaillent de plus en plus et sont de moins en moins efficaces. C’est un cercle vicieux ».

Le passage à l’acte n’est de ce fait pas anodin. Il résulte de tout un processus. Le suicide apparaît alors comme la « limite extrême, la seule façon de ne plus souffrir ». L’association Mieux-être & Travail insiste sur ce point. « Ils ne se suicident pas pour mourir mais pour ne plus souffrir. C’est très  important à comprendre, aussi bien pour l’entourage familial (qui souvent n’avait « rien vu venir ») que pour les collègues de travail, qui sont tous très culpabilisés de ne pas avoir pu porter assistance au salarié ».

Le travail devient dès lors une spirale perpétuelle qui suit la personne autant au travail que dans sa vie privée. La souffrance devient tellement importante qu’elle franchit la porte de sa maison et ne laisse pas de répit.

Suicide : prévenir le mal de travailler

Face à une situation complexe et remplie de souffrance au travail, il ne faut pas hésiter à consulter, à chercher de l’aide. Les accompagnants pourront identifier le ou les problèmes et offrir des pistes de solutions. Que ce soit une aide psychologique et/ou juridique. Recréer du lien est aussi un apport nécessaire pour que la personne puisse sortir de son cercle vicieux de renfermement sur soi.

À SAVOIR

L’association Mieux-être & Travail, située dans le 8ème arrondissement à Lyon, organise des groupes de paroles en présentiel et/ou en distanciel. Le but ? Exprimer son vécu difficile et s’enrichir d’autres vécus similaires. Récemment créée, l’association s’efforce de se rendre utile autour des domaines liés aux risques psychosociaux et à la souffrance au travail.

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