Infirmiers, médecins coordinateurs et surtout aides-soignants… Confrontés à une pénurie sans précédent, les métiers de la gérontologie multiplient les initiatives pour tenter de recruter et de former du personnel longue durée. L’enjeu est de taille, tant la crise sanitaire, mais aussi le récent scandale Orpéa, ont nuit à l’attractivité du secteur. Dans la région lyonnaise, le Groupe ACCPA s’appuie ainsi sur son Pôle formation santé pour dénicher de futurs aides-soignants et, surtout, les mener concrètement vers un emploi durable. Avec à la clé un certain succès, mais aussi de profondes interrogations sur la dimension du chantier.
Ils sont dix-huit. Dix-sept femmes et un homme qui débutent, en ce mois de mars 2022, leur formation d’aides-soignants en alternance dans la région lyonnaise. Pour la plupart Réunionnais, ces jeunes demandeurs d’emploi profitent d’un dispositif mis en place par le Groupe ACPPA pour répondre à ses problématiques de recrutement. Dans dix-sept mois, diplôme en poche, ils intégreront officiellement des postes qui les attendent déjà de pied ferme.
Les besoins, en effet, sont colossaux : on estime à au moins 100 000 le nombre de postes de soignants vacants en France, tous métiers confondus. Une pénurie qui touche de plein fouet les Ehpad, en manque d’aides-soignants, d’infirmiers et de médecins coordinateurs, et qui invite les acteurs des métiers du grand-âge, quel que soit leur statut (public ou privé), à faire preuve de la plus grande ingéniosité pour raffermir leur attractivité.
260 000 postes à pourvoir d’ici 2025 dans les Ehpad ?
Gestionnaire de 42 Ehpad en France, dont la moitié en Auvergne-Rhône-Alpes, le Groupe ACCPA dispose d’un atout maître : son Pôle Formation Santé, siitué à Lyon. Son rôle? Traquer les candidats et assurer leur parcours vers un emploi dans lequel ils sont susceptibles de s’engager sur la durée. “Recruter des soignants formés pour accompagner nos résidents avec bienveillance et professionnalisme est notre priorité absolue”, confie Pierre-Yves Guiavarch, le directeur général de l’ACCPA. Et fidéliser les collaborateurs est l’une des clés pour atténuer la pénurie. Un voeu pieux qui commande beaucoup d’efforts, tant les contraintes sont élevées.
Les conditions d’accès à la profession d’aide-soignant, avec le remplacement d’un examen d’entrée dissuasif par une candidature sur dossier, ont été assouplies. Mais le métier reste dur, et ces difficultés sont alourdies par le profil des personnes prises en charge. “Nos résidents entrent avec des niveaux de dépendance de plus en plus élevés”, confirme Pierre-Yves Guiavarch. Le nombre des personnes en perte d’autonomie augmente (1,479 millions en 2025, contre 1,387 en 2020), et ce vieillissement démographique conditionne la création de 93 000 nouveaux postes d’ici 2025. Un chiffre porté à 260 000, si l’on y ajoute les postes déjà vacants.
Une pénurie multifactorielle exacerbée par la crise
Car ce défi, malheureusement, n’est pas aidé par le contexte. “La crise sanitaire a été éprouvante et a conduit de nombreux soignants à se poser la question de leur orientation. Et ce alors que chaque année, l’enjeu du renouvellement des effectifs, lié notamment aux départs en retraite, est déjà énorme”.
Plus récemment encore, le scandale Orpéa a favorisé une publicité négative dont les acteurs du grand âge se seraient bien passés. “Ces affaires récentes n’aident pas le secteur à restaurer son image employeur. L’un de nos gros enjeux est de rassurer les résidents, les familles et le personnel”, confesse le directeur général d’un gestionnaire de résidences dont le fonctionnement n’a pourtant fait l’objet d’aucun soupçon.
Pénurie de personnel : l’enjeu d’une formation durable
Dans ces conditions, dénicher des candidats fiables est délicat. Mais pas impossible, si l’on parvient à redonner tout leur sens à ces métiers de contact. Ne serait-ce que pour atténuer la forte concurrence du secteur hospitalier. “Il est essentiel de développer des filières de formation centrées sur la gérontologie”, spécifie Pierre-Yves Guiavarch. “Le métier d’aide-soignant est au coeur de l’Ehpad, tant dans la prise en charge des soins du résident que dans ses gestes quotidiens. Le relationnel est primordial”. Plus que des perspectives de carrières, il s’agit toujours du premier levier pour attirer de nouveaux candidats, comme l’explique Valérie Reverdy, directrice d’Ehpad (La Vérandine, Lyon 8e), et responsable de la coordination entre le Pôle Formation Santé et les établissements de l’ACCPA. “Oui, le métier d’aide-soignant n’est pas facile, mais il est passionnant et profondément enrichissant sur le plan humain. C’est ce que l’on doit arriver à valoriser”.
Placés en immersion dans des Ehpad durant une grande partie de leur formation, les futurs aides-soignants, épaulés par un maître d’apprentissage, ont tout le loisir de s’imprégner de ces valeurs. Et la méthode porte ses fruits : le nombre d’aides-soignants formés au sein de l’ACCPA est passé de 90 en 2018 à 220 cette année. “On fait le job, même si tous ces postes sont immédiatement absorbés par le secteur et que la pénurie reste criante”, résume Pierre-Yves Guiavarch. “On a fait beaucoup, mais il reste beaucoup à faire…”
À SAVOIR
Le dispositif “Accompagner vers l’emploi d’aides-soignants” est porté par le Pôle Formation Santé du Groupe Associatif ACCPA. En lien avec plusieurs organismes d’aide à l’emploi (Mission Locale Rhône, Maison Métropolitaine de l’Insertion et de l’Emploi, Plateforme des Métiers de l’Autonome), il propose des formations dédiées gériatrie de 21 mois, en alternance et à raison de plusieurs sessions par an. Un partenariat a été noué avec le Comité National d’Accueil et d’actions pour les Réunionnais en Mobilité, ce qui explique pourquoi de nombreux demandeurs d’emploi sélectionnés soient originaires de La Réunion.
