Coeur brisé, une maladie rare mais bien réelle. ©Abigail Keenan

Michelle, une habitante de l’agglomération lyonnaise, a eu le cœur brisé suite à une vive émotion. Prise en charge à l’hôpital cardiologique Louis-Pradel, à Lyon, elle souffrait d’une pathologie bien réelle, le syndrome de tako-tsubo. Témoignage.

Le cœur a décidément ses raisons que la raison ignore. Même si le corps médical, petit à petit, s’efforce d’en comprendre de mieux en mieux les méandres mystérieux : au milieu des années 90, des cardiologues japonais ont ainsi mis un nom sur un drôle de syndrome, celui du cœur brisé.

Car le cœur brisé, lorsqu’il n’est pas le simple fruit d’une romance déçue, relève d’une véritable pathologie qui toucherait plus de 2% de la population ! Ce syndrome, appelé aussi cardiomyopathie de tako-tsubo, selon sa dénomination nippone, est désormais clairement identifié par les cardiologues, qui ont pris l’habitude d’en déceler les signes à l’arrivée des patients aux urgences.

Cœur brisé : les mêmes symptômes que l’infarctus du myocarde

Ce fut le cas de Michelle Telle, une habitante de Meyzieu (Rhône), qui en a fait l’amère expérience en juin 2017 à son grand étonnement. « Je n’ai pas compris ce qui m’arrivait », confie celle qui fait partie de la petite cinquantaine de cas traités chaque année à l’hôpital cardiologique de Lyon.

De la sensation d’oppression à la douleur thoracique en passant par les difficultés respiratoires, le syndrome de tako-tsubo présente en effet tous les symptômes de la crise cardiaque. Mais à la différence d’un infarctus du myocarde, provoqué par une obstruction d’une artère alimentant l’organe, un tako-tsubo résulte directement d’une paralysie d’une partie du cœur.

Cette sidération passagère est le fruit d’une très forte émotion, plus proche du stress intense que de la réelle déception amoureuse. Rien d’étonnant, donc, à ce que cette affection touche plutôt des femmes, souvent plus émotives que les hommes, et la plupart âgées de plus de 50 ans.

Cœur brisé : quatre jours en soins intensifs

Michelle Telle avait 66 ans lorsqu’elle en fut victime. « Cela m’est arrivé vers midi, le jour d’une fête de famille. Je savais que ma fille devait rentrer d’Australie, et même si j’avais pu m’y préparer, j’ai été submergée d’émotions lorsque je l’ai vue ». Passé ce mélange de joie et de surprise, des douleurs apparaissent, « à la poitrine et au dos. J’avais l’impression que l’on me poignardait, mais je ne voulais pas gâcher la fête. Je suis allée m’allonger et j’ai attendu tout l’après-midi que cela passe ».

Ses proches finissent par la convaincre d’appeler le SAMU. « On est allés à l’hôpital cardio, où j’ai été hospitalisée en soins intensifs. J’ai débord été traitée comme s’il s’agissait d’un infarctus, car il fallait d’abord écarter cette hypothèse ». Comme toutes les victimes du syndrome du cœur brisé, Michelle est restée plusieurs jours en soins intensifs.

« Il n’y a ni anomalies, ni lésions comme pour un infarctus. Les patients récupèrent peu à peu, et on les laisse rentrer chez eux au bout de trois ou quatre jours », confirme le professeur Eric Bonnefoy-Cudraz, chef du service d’urgences cardiaques à l’hôpital Louis Pradel.

La peur d’une récidive

Les récidives, selon les spécialistes, sont rares. Mais Michelle, qui a recouvré tous ses moyens, reste méfiante : « j’ai passé des examens en novembre dernier et tout va bien. Mais je suis de nature angoissée, et lorsque je commence à sentir des picotements, j’essaie tout de suite de me calmer ».

Peu fréquente, sans séquelles et très rarement mortelle, cette affection méconnue a pourtant de quoi effrayer. D’où l’importance d’en donner les clés pour mieux gérer son stress et éviter les situations de tension, comme l’a souhaité Michelle par le biais de ce témoignage. Et la nécessité, pour les plus émotifs, d’éviter les anniversaires surprises !

A SAVOIR

Selon une étude réalisée de 1998 à 2014 sur 1750 patients:
– Le cœur brisé a une origine émotionnelle dans 30% des cas (les autres cas étant un stress physique)
– Cette pathologie touche principalement les femmes (90%) ménopausées avec un âge moyen de 66 ans.
– Le tako-tsubo toucherait 2,2% de la population
Cette pathologie est de plus en plus diagnostiquée dans les hôpitaux en raison des progrès :
– de l’imagerie qui permet de voir la déformation du ventricule
– des analyses sanguines qui révèlent un taux important de troponine témoignant de la souffrance du cœur.
On estime qu’environ 1% des patients hospitalisés pour un syndrome du cœur brisé en décèdent.
Sources: Hospices Civils de Lyon

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