Morgane Soulier anorexie mentale
Morgane Soulier, après des années de combat contre ses troubles alimentaires, a mis au point une appli pour accompagner les personnes souffrant d'une maladie impactant leur capacité à se nourrir. ©DR

Morgane Soulier avait tout pour être heureuse. Mais à 36 ans, l’entrepreneuse lyonnaise se reconstruit enfin après près de quinze années de souffrance alimentaire et d’errance thérapeutique. À l’origine de son appli Feeleat, lancée en 2019, son parcours, glaçant, résonne comme un appel à mieux comprendre et accompagner des troubles alimentaires qui peuvent frapper tout le monde, et partout. Témoignage.

C’est peut-être cela, le plus dur à avaler… Pour beaucoup, l’anorexie se résume à un caprice de jeune fille désireuse de garder une ligne digne des magazines de mode. « J’étais “normale“ Â», s’offusque Morgane Soulier, « mince sans être maigre, gourmande et sans aversions alimentaires Â».

Née à Lyon en 1984, la jeune femme avait 22 ans lorsqu’elle a basculé dans l’enfer des troubles du comportement alimentaire, les tristes TCA. Sans véritables raisons : « je n’ai pas réussi à identifier de traumatisme particulier. J’ai eu une enfance totalement dorée et une adolescence sans heurts, entre une grande sœur et un petit frère aimants, des parents formidables et présents. Je ne m’explique pas comment j’ai perdu tout ce poids ».

Alors à Singapour pour ses études de commerce, Morgane souffre de violents maux de ventre. Ces douleurs lui font perdre une dizaine de kilos, l’affaiblissent terriblement et, surtout, ouvrent la boîte de Pandore. On suspecte une anorexie. « Mon médecin, sans même consulter un spécialiste, m’a fait hospitaliser pendant un an, et ce dans des conditions désastreuses Â».

Cataloguée anorexique mentale, sans repères ni explications, la jeune femme se replie dans sa souffrance. « Je pense que c’est cela qui a généré mes troubles du comportement alimentaire. Cela m’a figé dans des schémas alimentaires que j’ai encore aujourd’hui et qui n’étaient pas les bons. J’avais repris du poids, mais les problèmes psychologiques étaient bien là, eux ».

Anorexie ? « Je buvais la tasse et on m’a noyée »

Morgane sort de cette première épreuve exsangue. « Mon fiancé m’avait quitté, ma vie était en friche. Je suis retournée vivre à Paris, où je me revois errer seule dans les rues, le week-end. Ma vie a longtemps été grise, j’étais perdue, triste Â». Les maux de ventre perdurent, et avec eux, pour ne plus en souffrir, le rejet de l’alimentation.

Les années passent. Elle perd encore du poids et refuse de consulter. « Je pensais que cela ne servait à rien Â», dit-elle avec une amertume qui, avec le recul, s’apparente à de la colère. « Je buvais la tasse, mais au lieu de me sortir la tête de l’eau, on m’a noyée. Certains médecins devraient se remettre en question. On m’a mise dans une case, celle de l’anorexie, comme de nombreuses personnes souffrant de maladies mal identifiées. J’ai donc été mal soignée, d’où ces errances thérapeutiques ».

« Ma dénutrition était telle que cela en devenait vital Â»

Le salut, comme souvent, vient de ses proches. De ses amitiés fortes forgées sur son lieu de travail, et de sa famille. « C’était en 2015. Je ne pesais plus qu’une trentaine de kilos et ma dénutrition était telle que cela en devenait vital. Ma mère m’a supplié d’aller consulter un psychiatre spécialisé dans les TCA, qui à son tour m’a fait accepter une nouvelle hospitalisation indispensable à l’étape suivante : pouvoir régler mes maux de ventre Â».

Prise en charge à Garches dans un lieu « top Â», entourée de « bienveillance Â», Morgane subit une lourde opération de l’estomac, reprend peu à peu du poids et, surtout, goût à la vie. « Sans cela, je ne sais pas comment cela se serait termin酠»

« Je vais trouver la solution Â»

Quelques années plus tard, et un magnifique projet à son actif, la jeune lyonnaise ne s’estime pas tirée d’affaire. « Mon comportement alimentaire est sain, mais je garde un poids insuffisant et j’ai toujours mal au ventre Â». Elle se bat désormais pour avancer et assouvir ses ambitions de vie, à commencer par fonder une famille. « J’ai un tempérament combatif et optimiste. Et avec les avancées de la médecine et des initiatives comme Feeleat, je vais trouver la solution ».

Morgane, sans le vouloir (« je déteste me mettre en avant Â»), est un phare dans la nuit des troubles du comportement alimentaire. Son expérience, distillée de façon humaine et légitime, sert à d’autres victimes de TCA, au fil de messages soigneusement égrenés. « Je les encourage à communiquer au mieux avec leurs familles, et aux entourages à rester présents. Et ce malgré l’agacement et le sentiment d’impuissance que cela peut parfois engendrer ».

Autre précieux conseil, celui de ne pas céder au découragement : « ce n’est pas une fatalité. J’ai vu des femmes de plus de 60 ans, qui avaient été malades toute leur vie et qui ont réussi à s’en sortir en acceptant de se faire hospitaliser ! »

Une appli dédiée à l’accompagnement alimentaire

Lancée en 2019 par Morgane Soulier, l’appli Feeleat (disponible sur Android et IOS) a déjà été téléchargée plus de 100 000 fois. Elle s’est même transformée en écosystème vertueux, entre version pro, blog, podcasts, publications de conseils et de menus, réseaux sociaux, magazine ou encore newsletter. Autant d’outils tournés vers un objectif : « accompagner toute maladie qui impacte notre capacité à s’alimenter Â».

Lauréat du grand prix BFM business du Projet e-santé 2020, plébiscitée par plusieurs cliniques et hôpitaux désireux de l’intégrer à leurs parcours de soins, Feeleat trouve ses origines dans le compte Instagram créé en 2015 par la jeune femme, qui souhaitait alors partager ses ressentis durant son hospitalisation à Garches. Et la patiente, peu à peu, a cédé la place à l’entrepreneuse. La communauté a grandi, jusqu’à l’éclosion de l’appli qui ne cesse de faire des adeptes parmi tous ceux qui souhaitent retrouver un rapport sain à leur alimentation. Et, enfin, s’extirper de leur souffrance.

Morgane Soulier était l’invitée de l’émission Votre Santé, présentée par Élodie Poyade et Pascal Auclair, jeudi 22 avril à 17h45 sur BFM TV Lyon.

À SAVOIR

En France, 8 à 10 millions de personnes souffrent de TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE, qu’il s’agisse d’anorexie, de boulimie, d’hyperphagie ou d’autres maladies plus rares et difficiles à diagnostiquer.

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