Le cancer a un impact sur la sexualité du couple
La campagne Octobre Rose incite les femmes à se faire dépister le cancer du sein

Comment vivre pleinement sa sexualité avec un cancer ? Faut-il accepter la baisse de la libido liée à la maladie ? Pierre Saltel est psychiatre et responsable de l’équipe de psycho-oncologie du Centre Léon Bérard, à Lyon. Il incite les femmes à pratiquer un dépistage du cancer du sein et évoque l’impact de la maladie dans la sphère intime.

Les femmes atteintes d’un cancer osent-elles parler de leur sexualité, ou le sujet est-il encore un peu tabou ?

Je crois que le sujet est devenu moins tabou. Avec l’accompagnement, les femmes sont naturellement amenées à en parler. Au Centre Léon Bérard, les patientes peuvent trouver un peu partout de la documentation sur la vie intime. Cela s’est banalisé. Je pense que la plupart d’entre elles lisent ces brochures. Dans la réalité, les choses se passent plutôt bien. L’étude Vican 2 démontre que 70% des femmes vivent toujours avec la même personne deux ans après le diagnostic.

La sphère médicale a-t-elle aussi davantage pris en considération le sujet ?

De nombreux colloques sont organisés sur ce thème par les associations, et une vraie prise de conscience des professionnels a émergé. Les professionnels doivent être pro-actifs et ne pas attendre simplement une sollicitation de la patiente. Ils sont aussi mieux formés, et peuvent apporter des solutions toutes simples pour dépasser certaines difficultés. Je parle par exemple des gels vaginaux pour lutter contre la sécheresse vaginale, car toutes les femmes ne connaissent pas ce produit.

La baisse de la libido peut être due aux effets physiques du traitement, mais qu’en est-il des facteurs psychologiques ?

Il n’y a pas plus de problèmes de couple chez ces patientes qu’au sein de la population générale. Quand il y a un souci, il se trouve plus du côté de la patiente que de son conjoint. Elle peut par exemple avoir une phobie de sa cicatrice, ne pas se sentir attirante, mais en mettant un tee-shirt, cela peut l’aider à dépasser cela au début. La baisse de désir provient souvent de cette image dégradée que l’on peut avoir de soi-même. Bien entendu, la fatigue joue aussi un rôle.

Le cancer tue-t-il le désir ?

Quel conseil donneriez-vous aux conjoints qui essaient d’accompagner au mieux leur femme malade ?

Déjà, beaucoup de parole, de réconfort. Leur femme peut potentiellement les rejeter, mais il ne faut pas qu’ils se découragent. Ce rejet s’explique souvent par un manque de confiance en elles, et le conjoint a justement un rôle à jouer pour les rassurer sur leur désir.

Et aux patientes qui traversent cette épreuve ?

Mon conseil est que moins on en fait, moins on a envie d’en faire. Dans la mesure du possible, il faut essayer de reprendre les caresses, la proximité, et ne pas attendre que tout soit mieux demain, que l’on ne soit plus fatigué. Autre point : l’hormonothérapie peut avoir un effet très refroidissant sur la libido, et certaines patientes se disent parfois que si elles n’ont plus de désir, c’est qu’elles n’aiment plus leur conjoint. Je leur explique que c’est avant tout leur corps qui ne réagit pas de la même manière, et dans 3 cas sur 4, cela les réconforte. Il faut qu’elles apprennent à ne pas comparer le présent avec le passé. C’est vrai pour tout.

Pendant la maladie, il n’est pas non plus rare, même s’il ne s’agit pas de la majorité des femmes, que certaines prennent un amant, envoient tout balader. Il y a alors une vraie fureur de vivre qu’on peut comprendre assez aisément par réaction à la maladie. Une femme pourtant bien dans son cadre familial peut être amenée à se poser plein de questions sur sa vie d’avant, à voir son cancer comme une sanction de sa vie passée avec une volonté de redistribuer les cartes. Mais expliquer la maladie comme cela peut être un peu réducteur.

Comment se réconcilier avec un corps qui nous fait souffrir ? Comment l’aimer à nouveau ?

Il faut justement lutter contre cette tendance spontanée à comparer avec le passé. Cela n’est pas facile, mais l’enjeu est vraiment de sortir de l’avant pour se consacrer au maintenant et à demain.

La sexualité, c’est une envie de vivre

Pour une personne malade, quelle est l’importance du toucher ?

Aujourd’hui, on investit le corps de la patiente pas seulement d’un point de vue médical. On retrouve de plus en plus de socio-esthéticiennes dans les centres de cancérologie. Avoir un joli teint, être bien maquillée, tout cela mène plus facilement à la sexualité. Les aide-soignants prennent aussi du temps pour masser et détendre le corps, pour lui faire plaisir alors qu’il est en souffrance.

Conserver une vie sexuelle pendant cette période, en quoi est-ce important ?

La sexualité, c’est une envie de vivre. C’est pour cela qu’elle a pleinement sa place dans ce contexte là. Néanmoins, ce n’est pas non plus que parce qu’une femme n’a pas envie de faire l’amour pendant quelques temps qu’elle est malheureuse. Il n’y a pas de normes, pas d’injonctions. Certaines le disent clairement : elles ne sont pas déprimées mais n’éprouvent pas de désir et ne veulent pas que leur vie sexuelle devienne une corvée.

Il existe aussi 1001 façons d’avoir une sexualité…

Exactement. Il n’y a pas que la pénétration. On peut simplement se prendre dans les bras. Etre bien ensemble, se parler, c’est créer une forme d’intimité dans la relation.

Retrouvez la liste de tous les psychiatres et psycho-oncologues de votre ville ou de votre quartier sur www.conseil-national.medecin.fr

A SAVOIR

On estime qu’une femme sur huit risque de développer un cancer du sein au cours de sa vie. Dans neuf cas sur dix, la patiente est guérie. Des chances de guérison d’autant plus grandes que la maladie est dépistée tôt.

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